À titre d'illustration
Le 7ᵉ sommet UE-Afrique à Luanda aborde la paix, la sécurité et la transition verte, mais le financement du terrorisme et la circulation des armes, notamment issues de l'Ukraine, pourraient créer des tensions diplomatiques majeures.
Les dirigeants des 27 Etats membres de l’Union européenne et des 55 pays de l’Union africaine se réunissent à Luanda, les 24 et 25 novembre 2025, pour examiner des questions majeures : paix, sécurité, intégration économique, transition verte, numérisation et développement humain. Ce rendez-vous marque l’un des temps forts du 25ᵉ anniversaire du partenariat entre les deux continents.
“Panafricaniste africain, Burkinabè et fier de l’être”, Nakoulima Sylamane, qui séjourne depuis cinq jours à Luanda, observe de près les dynamiques, les atmosphères et les tensions qui précèdent l’ouverture des travaux. Pour lui, un sujet « plus vif et frontal », à savoir la question du financement et de la circulation d’armes alimentant le terrorisme, pourrait devenir un point de tension inévitable, même si certains acteurs cherchent à éviter d’en parler ouvertement.
Le 7ᵉ sommet UE–Afrique, tel qu’il se prépare à Luanda, ne se présente pas comme un simple rituel diplomatique. Dans les couloirs, les critiques sont nombreuses et les attentes africaines, particulièrement fortes. Plusieurs spécialistes africains, ainsi que certains responsables politiques du continent, pointent une réalité préoccupante : la circulation incontrôlée d’armes issues de zones de conflit, notamment de l’Ukraine, qui finissent entre les mains de groupes armés opérant en Afrique.
De Lagos à Gao, de Diffa au nord du Mali, en passant par le sud libyen, des observateurs de terrain, des unités antiterroristes et des acteurs du renseignement évoquent depuis des mois un phénomène connu mais rarement assumé dans les enceintes diplomatiques : des armes et technologies exportées vers l’Ukraine se retrouvent sur les marchés noirs internationaux, avant de réapparaître dans des zones sous emprise djihadiste ou insurgée.
Il est largement reconnu que la guerre en Ukraine a ouvert d’importants flux parallèles d’armes. Certaines sources sécuritaires ouest-africaines, ainsi que des rapports non consolidés, évoquent la présence de drones de type kamikaze, de pièces d’armement légères et de matériels divers passant par la Lybie, véritable nœud régional du trafic, dans des mains hostiles aux États africains.
Des armes portant des inscriptions en ukrainien auraient été saisies dans certaines opérations. Si ces éléments doivent être traités avec prudence, ils alimentent aujourd’hui une préoccupation partagée dans plusieurs capitales africaines : la porosité des routes d’armement issues des conflits européens.
Lors d’une intervention récente aux Nations Unies, le Premier ministre malien a affirmé que des armes destinées à l’Ukraine se retrouvaient entre les mains de groupes terroristes au Sahel. Il a appelé à la convocation du Conseil de sécurité afin que des explications soient fournies et que des preuves soient mises sur la table. Ces déclarations, qu’elles soient ou non confirmées par des enquêtes internationales, existent, et elles contribuent à tendre l’atmosphère diplomatique à la veille de Luanda.
Plusieurs pays – Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Sénégal, Ghana – souhaitent mettre la question de la circulation des armes au cœur du débat. Beaucoup, toutefois, redoutent que cette opportunité ne leur soit pas donnée dans le format actuel du sommet.
Dans les couloirs feutrés de Luanda, une rumeur insistante circule : les États de l’Alliance des États du Sahel (AES) n’auraient pas été invités. Si cela se confirmait, ce serait un signal politique fort : l’Europe chercherait peut-être à éviter certains sujets trop sensibles et à limiter la présence d’acteurs devenus critiques envers ses politiques régionales. Une absence des États sahéliens, dans un sommet discutant de sécurité, serait interprétée par beaucoup comme une tentative d’écarter des voix dissidentes.
De plus en plus de pays africains estiment que l’Europe doit assumer sa part de responsabilité dans la prolifération illégale d’armes, fournir des garanties de non-ingérence et contribuer à la réparation des dommages sécuritaires causés par ces flux incontrôlés. Le Mali, notamment, exige que cessent les livraisons d’armes susceptibles d’être détournées vers des groupes armés.
Le président angolais, qui assure actuellement la présidence de l’Union africaine, a répété que la restauration des droits des peuples et la lutte contre les nouvelles menaces sécuritaires seraient des axes centraux du sommet. Mais si l’Europe persiste à éviter certaines demandes africaines, le sommet UE–Afrique pourrait se transformer en arène de confrontations diplomatiques, plutôt qu’en espace de coopération constructive.
Au moment où se joue l’avenir sécuritaire du continent, Luanda devrait être l’occasion de dire les choses, de manière lucide et directe.
NAKOULIMA SYLAMANE
Panafricaniste burkinabè
Résidant à Budapest (Hongrie)
Depuis Luanda (Angola)