Des femmes d’Amoinkanoukro rassemblées autour d’un point d’eau pendant Paquinou
À Amoinkanoukro, les festivités de Paquinou ont un goût amer. Privées d’eau depuis des mois, les populations du canton N’Dranouan se battent, entre solidarité et détresse, pour maintenir la fête.
Amoinkanoukro, Côte d’Ivoire, 20 avril 2025 (crocinfos.net)---Sous un ciel bleu plombé par la chaleur d’avril, Amoinkanoukro, chef-lieu du canton N’Dranouan, s’apprête à célébrer Paquinou. Mais cette année, la joie des retrouvailles est assombrie par un mal silencieux : la soif.
Les 19 et 20 avril 2025, le village devait vibrer au rythme des danses traditionnelles, des repas partagés et des retrouvailles intergénérationnelles. Pourtant, dans les rues de terre battue, c’est le bruit des seaux vides et des soupirs épuisés qui résonne. L’eau, source de vie, manque cruellement.
Des pompes muettes et des espoirs suspendus
Depuis plusieurs mois, les Pompes à Motricité Humaine (PMH), seules sources d’eau pour les habitants, sont hors service. Chaque matin, avant même que le coq ne chante, des femmes, des enfants parfois, partent à la quête d’une goutte précieuse. Hortense Koffi, mère de cinq enfants, raconte d’une voix lasse : « Il faut se lever à 4 h du matin. Après, il n’y a plus rien. On fait la queue pour repartir les mains vides. »
Un projet d’Hydraulique Villageois Amélioré (HVA) avait été lancé, avant d’être interrompu par la rébellion armée de 2002. Aujourd’hui encore, ses vestiges hantent le village.
Brigitte Kouamé, elle, a les larmes aux yeux:
« Pendant Paquinou, tout le monde revient au village, mais l’eau ne suit pas. On paye jusqu’à 500 francs CFA par jour pour quelques bidons. Et ça crée des disputes. On est fatiguées. Nous supplions le président Ouattara de nous sortir de cette souffrance. »
Un projet abandonné et des promesses brisées
Le cœur du problème remonte à la fin des années 1990. Un projet d’Hydraulique Villageois Amélioré (HVA) avait été lancé, avant d’être interrompu par la rébellion armée de 2002. Aujourd’hui encore, ses vestiges hantent le village. Château d’eau inachevé, canalisations enterrées mais muettes.
Mme Hortense Koffi s'est levée très tôt pour avoir de l'eau
N’Dri Simon, président de la Mutuelle de développement social d’Amoinkanoukro (MUDEKAN), se bat pour raviver cette promesse oubliée : « Tout avait été fait : études, chantiers, tests. Mais le budget a manqué. Les entrepreneurs n'ont jamais été payés. »
L’appel d’un peuple solidaire
Au nom des siens, N’Dri Simon lance un appel au président de la République : « Une grande partie du projet est déjà réalisée. Il ne manque qu’un geste de l’État pour achever ce chantier vital. Nos populations souffrent. »
Il demande aussi l’érection du canton en sous-préfecture, la valorisation des cultures vivrières, et la création d’une unité de transformation du manioc.
Une fête dans la dignité, malgré tout
Dans cette détresse, Amoinkanoukro ne plie pas. Les bras se tendent, les cœurs s’unissent. Paquinou, même sous le signe de la pénurie, reste un moment de fraternité et d’espoir.
« Tant qu’on est ensemble, on tient debout », murmure un ancien, en observant les enfants danser malgré la poussière.
Une grande partie du projet est déjà réalisée. Il ne manque qu’un geste de l’État pour achever ce chantier vital. Nos populations souffrent.
La fête aura lieu. Et peut-être, avec elle, renaîtra le rêve d’une eau qui coule pour tous.
François M'BRA II, Correspondant Région de Gbêkê