"Ce qui s’est passé en Guinée-Bissau n’était pas un coup d’État’’, selon l'ancien président nigérian Goodluck Jonathan
Le coup d'État en Guinée-Bissau, suivi de l'exfiltration du président Umaro Embalo vers le Sénégal, soulève des interrogations sur l'implication de Dakar et de la CEDEAO dans cette crise électorale avant les résultats.
Abidjan (Côte d’Ivoire), le 29 novembre 2025 (crocinfos)---Le 23 novembre 2025, près de 860 000 électeurs se sont rendus aux urnes en Guinée-Bissau pour élire leur président et leur parlement. Toutefois, alors que les résultats étaient attendus, une situation politique incertaine a émergé. Le Sénégal, habituellement perçu comme un bastion de démocratie en Afrique de l'Ouest, semble avoir joué un rôle complexe dans cette affaire. Dans un scénario digne d'une tragédie géopolitique, le président déchu, Umaro Sissoco Embalo, a été exfiltré vers le Sénégal après un coup d'État militaire, tandis que son principal opposant, Domingos Simoes Pereira, est resté en détention.
Le contexte entourant ce renversement est pour le moins trouble, et de nombreuses zones d'ombre persistent. L'un des éléments les plus préoccupants réside dans l'implication passive, voire complice, de la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dans cet événement. Après que le président lui-même a annoncé le coup d'État, la situation a pris une tournure encore plus étrange avec l'exfiltration du président renversé vers le Sénégal, à bord d'un avion affrété par Dakar. Mais comment expliquer que le Sénégal, un pays démocratique, souvent critique à l'égard des abus de pouvoir, semble complice d'une telle mascarade ?
Le 27 novembre 2025, Umaro Sissoco Embalo a atterri au Sénégal, au lendemain de son renversement par des militaires, alors que le processus électoral était toujours en cours. Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a rapidement jugé que ce coup d'État militaire était une "combine" visant à stopper le processus électoral en Guinée-Bissau. Ce jugement a été partagé par de nombreux experts, qui soulignent les tentatives évidentes de manipulation de l'événement.
Mais comment expliquer que le Sénégal, un pays démocratique, souvent critique à l'égard des abus de pouvoir, semble complice d'une telle mascarade ?
Le renversement d'Embalo est intervenu juste avant l'annonce des résultats des élections, exacerbant la tension, d'autant plus que la CEDEAO a, dans un premier temps, condamné le coup d'État tout en appelant au rétablissement de l'ordre constitutionnel. Toutefois, des questions légitimes se posent : pourquoi le Sénégal a-t-il pris part à l'exfiltration d'un président renversé, alors que des doutes subsistent sur la nature exacte du coup d'État ? Est-ce une ingérence ou un soutien tacite à un scénario politiquement avantageux pour certains acteurs de la région ?
L'ancien président nigérian Goodluck Jonathan, s'exprimant sur cette situation complexe, a clairement indiqué que ce qui s'était passé à Bissau ne correspondait pas à un coup d'État traditionnel. Selon lui, "ce qui s’est passé en Guinée-Bissau n’était pas un coup d’État. C’est le président (Umaro Sissoco Embalo) qui a annoncé le coup d’État", ajoutant : "C’est le président qui a appelé les médias pour leur dire qu’il y avait un coup d’État". Jonathan a poursuivi en affirmant : "Je suis Nigérian, et je sais comment les chefs d’État sont traités lorsqu’il y a un coup d’État. Qui veut jouer les idiots ?" Ce point de vue suggère que la communication officielle du président Embalo a joué un rôle central dans la perception de l'événement.
Derrière cette crise, un autre aspect émerge : les manipulations institutionnelles orchestrées par Embalo avant cet incident. En 2019, il avait déjà mis sous pression les institutions judiciaires et parlementaires pour asseoir son pouvoir, allant jusqu'à interdire la participation de son principal rival, Domingos Simoes Pereira, aux élections de 2025. Ces actions ont créé un terrain propice à des manœuvres de déstabilisation, et c'est dans ce contexte que le coup d'État a eu lieu.
Le rôle du Sénégal dans ce drame politique soulève de nombreuses interrogations. Le pays, censé être un exemple de démocratie en Afrique, semble avoir pris part à un jeu trouble en facilitant l'exfiltration d'un président déchu dans un contexte d'incertitude électorale. Tandis que la CEDEAO appelle à un retour à l'ordre constitutionnel, une question persiste : le Sénégal, en soutenant l'une des parties en présence, peut-il réellement prétendre jouer un rôle impartial dans la crise bissau-guinéenne ?
Charles Kpan