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[Notaires et escroquerie] Le Pôle pénal frappe fort en Côte d’Ivoire

[Notaires et escroquerie] Le Pôle pénal frappe fort en Côte d’Ivoire

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Un réseau d’escroquerie impliquant notaires et promoteurs immobiliers secoue le Pôle pénal économique d’Abidjan. Entre blanchiment, abus de confiance et garde à vue, la justice resserre l’étau sur des figures jusque-là intouchables.

Abidjan, 26 juin 2025 – crocinfos.net – Les notaires ne sont guère à la fête au Pôle pénal économique et financier d’Abidjan. Dans l’affaire relative au marché parallèle du carburant ayant mal tourné, un acteur central a permis de piéger et dépouiller les victimes : le notaire.

Un véritable triangle d’escroquerie s’est ainsi dessiné, composé de Yéo Kélétigui, le rabatteur chargé de démarcher les clients ; de Me Juliette Bohoussou, notaire, dont le rôle était de donner une apparence de légalité à l’opération frauduleuse ; et enfin, de Mantenin Diaby, alias « Diaby milliardaire », femme d’affaires censée fournir le carburant.

Dans sa décision, le tribunal a requalifié les charges à l’encontre de Mantenin Diaby. Initialement poursuivie pour escroquerie et blanchiment de capitaux, elle a finalement été condamnée pour abus de confiance dans deux affaires distinctes : l’une portant sur 475 millions de FCFA, l’autre sur 238 millions de FCFA. Pour chacune, elle écope de cinq ans de prison ferme.

Quant à Yéo Kélétigui et Me Juliette Bohoussou, ils ont été condamnés à cinq ans de prison ferme dans la première affaire (avec une amende globale de 708 millions de FCFA) et à trois ans dans la seconde. Leurs biens ainsi que leurs passeports ont été confisqués. La notaire, actuellement en fuite, a été jugée par défaut.

Un autre dossier sensible met en cause une notaire, Me Tandjia, appelée à comparaître devant le tribunal pour s’expliquer sur des frais perçus dans le cadre d’ACD (Arrêté de Concession Définitive) appliqués à des terrains litigieux. Le représentant du promoteur immobilier concerné a, quant à lui, été placé en garde à vue. L’un des enquêteurs lui aurait lancé :

« Vous avez vendu des terrains en mettant en péril les souscripteurs de Nestlé. Vous ne rentrerez pas chez vous ce soir. »

Dans la foulée, les gendarmes ont conduit devant la barre le représentant d’une importante société de travaux publics opérant en Côte d’Ivoire. Le président de la mutuelle des agents de Nestlé a, lui aussi, frôlé l’interpellation, n’ayant pu fournir les 300 attestations de souscripteurs exigées par le tribunal. C’est finalement son avocat qui a évité le pire, en remettant séance tenante les dossiers disponibles.

Pour rappel, depuis 2014, les agents de Nestlé ont investi dans une opération immobilière auprès de divers partenaires, sur des sites situés à Yopougon Andokoua, Bingerville et Grand-Bassam. Mais de nombreux litiges liés aux lots épuisent les souscripteurs. Le tribunal a donc désigné un magistrat pour instruire le dossier et mettre l’affaire en état dans un délai d’un mois.

« Nous allons vous aider », a rassuré la présidente du tribunal.


Le dernier coup de poker de l’avocat de Mantenin Diaby. Juste avant le prononcé du jugement dans l’affaire opposant le ministère public à Diaby Mantenin, Yéo Kélétigui et Me Juliette Bohoussou, l’avocat de la prévenue a tenté une ultime démarche : il a déposé une requête en liberté provisoire. Il a évoqué l’état de santé préoccupant de sa cliente, victime de saignements de nez sévères lors de la dernière audience.

« Elle souffre d’une pathologie nécessitant une prise en charge dans un établissement hospitalier spécialisé. Elle est suivie depuis deux ans. Elle n’a nullement l’intention de se soustraire à la justice », a-t-il plaidé.

Le parquet s’est opposé fermement à cette demande, la qualifiant d’inopportune :

« Elle doit répondre des charges qui pèsent sur elle. L’affaire est en délibéré aujourd’hui. »

L’avocat a répliqué en invoquant le droit humanitaire :

« Il s’agit du droit à la vie, du droit à la santé. Il ne peut être question d’opportunité face à une situation de détresse. Il faut lui accorder le droit de se soigner. »

Après une brève suspension d’audience, le tribunal a rejeté la requête.

« Le certificat médical produit n’a pas convaincu la juridiction », a tranché la présidente.


Fernand Dédeh depuis le PPEF