Une vue de Jeonju en Corée du sud.jpg
Inspirée par Jeonju en Corée du Sud, la Côte d’Ivoire pourrait transformer sa richesse culturelle en levier économique, créateur d’emplois et facteur de cohésion sociale, en intégrant pleinement la culture à ses politiques publiques. Notre Dossier…
Bouaké, le 23 mai 2025 (crocinfos.net)---Dans un monde en quête de développement durable, la redynamisation des pratiques culturelles traditionnelles s’impose comme un moteur puissant pour stimuler l’économie locale et renforcer la cohésion sociale. La ville sud-coréenne de Jeonju, grâce à son projet de valorisation du patrimoine culturel, illustre parfaitement cette dynamique. En s’appuyant sur cet exemple, cet article explore comment la Côte d’Ivoire, riche de sa diversité culturelle, pourrait adapter cette approche pour promouvoir un développement local inclusif, créateur d’emplois et porteur de fierté collective.
Face aux défis économiques, sociaux et environnementaux, les villes du monde entier cherchent des solutions innovantes pour assurer un développement durable. La culture, longtemps considérée comme un simple héritage, est désormais reconnue comme un levier stratégique de croissance locale et de cohésion sociale. Jeonju, ville historique de Corée du Sud, a su transformer ses traditions en un moteur économique et social majeur. Son projet de revitalisation culturelle, centré sur la préservation du village Hanok et la promotion des arts traditionnels, attire plus de six millions de visiteurs par an et génère des milliers d’emplois. En Côte d’Ivoire, pays à la mosaïque culturelle riche et complexe, cette expérience offre des enseignements précieux pour intégrer la culture dans les politiques urbaines et rurales, tout en renforçant le tissu social.
Une politique publique centrée sur la culture. Depuis les années 1990 et l’instauration d’une autonomie locale accrue, Jeonju a fait de la culture traditionnelle un pilier de son développement. Le projet « Traditional Culture City » a d’abord porté sur la restauration du village Hanok, un ensemble de maisons traditionnelles coréennes, devenu un centre culturel vivant.
Selon le professeur Lee Min-jun, spécialiste en politiques culturelles à l’Université de Jeonju, « ce projet a permis de redéfinir la culture comme une ressource dynamique, source d’identité locale et d’opportunités économiques ».
Les valeurs culturelles....
Cette analyse est issue d’une étude universitaire portant sur le projet de revitalisation culturelle traditionnelle de Jeonju, réalisée par des experts locaux et des universitaires, parmi lesquels le professeur Lee Min-jun. Ce travail s’inscrit dans le cadre du suivi et de l’évaluation des politiques culturelles mises en œuvre dans la ville. [l’Agenda 21 Culture. réf 6]
La ville compte 45 biens culturels immatériels, bien au-dessus de la moyenne nationale, et a su mobiliser ses habitants autour de cette richesse. L’investissement public et privé dans les infrastructures culturelles, combiné à une forte participation citoyenne, a permis d’attirer un tourisme culturel massif et de dynamiser l’économie locale.
Un impact économique et social mesurable. D’après une étude de l’Université de Jeonju, le projet génère un impact économique direct estimé à 40 millions de dollars par an et un impact indirect de 130 millions de dollars. Ce dynamisme se traduit par la création d’environ 1 000 emplois directs et 3 500 emplois indirects dans les secteurs de l’artisanat, du tourisme, de la restauration et des services culturels. Treize équipements culturels permanents offrent des emplois stables, tandis que les festivals et ateliers culturels renforcent l’attractivité de la ville.
« Grâce à ce projet, j’ai pu ouvrir mon atelier de poterie traditionnelle et embaucher deux apprentis. La demande touristique ne cesse de croître, ce qui nous permet de pérenniser nos savoir-faire », témoigne Park Ji-hoon, artisan potier.
Au-delà de l’économie, la revitalisation culturelle a renforcé la fierté des habitants. Mme Kim Hye-jin, directrice de la Fondation culturelle de Jeonju, souligne que « la participation des citoyens aux programmes culturels a permis de renforcer le sentiment d’appartenance et d’intégration sociale, notamment auprès des jeunes et des populations immigrées ».[ rapport annuel de la Fondation culturelle de Jeonju de l’année 2018 ]. Ces propos montrent les impacts sociaux des programmes culturels menés dans la ville, notamment en matière d’intégration sociale et de participation citoyenne.
Adapter le modèle Jeonju aux réalités ivoiriennes. « La diversité culturelle de la Côte d’Ivoire est une richesse inestimable. Si nous parvenons à valoriser nos traditions tout en impliquant les jeunes générations, nous pourrons créer un véritable moteur de développement local », affirme Etienne Kouamé, Directeur du Croco théâtre de Yamoussoukro au cours d'un entretien, suite à un spectacle de sa troupe en 2023, à l'Alliance Franco -ivoirienne de Yamoussoukro.
La Côte d’Ivoire, avec plus de 60 groupes ethniques, possède un patrimoine culturel d’une immense diversité. Cette pluralité est une force potentielle pour stimuler l’économie locale et renforcer la cohésion sociale, à condition que les politiques publiques intègrent pleinement la dimension culturelle. Comme à Jeonju, il s’agit de valoriser les savoir-faire traditionnels, les arts, les langues et les rituels, non comme des vestiges figés, mais comme des ressources vivantes.
...sont des moyens de développement que la Côte d'Ivoire peut exploiter
Les villes ivoiriennes, notamment Abidjan, Bouaké ou Yamoussoukro, Grand Bassam, Man, Korhogo, San Pedro, Grand Bereby ...etc pourraient s’inspirer de Jeonju en développant des quartiers culturels où l’architecture traditionnelle, les artisans locaux et les manifestations culturelles sont mis en avant. La création de centres culturels polyvalents, de festivals et d’ateliers ouverts à tous favoriserait l’emploi et l’inclusion sociale.
Dans les zones rurales, la revitalisation des pratiques traditionnelles, comme les cérémonies, les danses et l’artisanat, peut dynamiser le tourisme culturel et écologique. Cela nécessite un accompagnement des communautés, une formation aux métiers culturels et une valorisation économique des produits locaux.
Créer des emplois et renforcer la cohésion sociale. Comme à Jeonju, la redynamisation culturelle en Côte d’Ivoire pourrait générer des milliers d’emplois directs et indirects. Le développement d’une économie culturelle locale permettrait de diversifier les sources de revenus, de réduire la pauvreté et de lutter contre l’exode rural. Par ailleurs, la mise en valeur des traditions communes favoriserait le dialogue interculturel et la paix sociale, essentiels dans un pays marqué par des tensions ethniques passées.
« La redynamisation culturelle en Côte d’Ivoire a le potentiel de générer des milliers d’emplois directs et indirects. Le développement d’une économie culturelle locale est une voie pour diversifier les sources de revenus, réduire la pauvreté et freiner l’exode rural. Par ailleurs, la valorisation de nos traditions communes joue un rôle important dans le renforcement du dialogue interculturel et de la paix sociale », indique Dr. Firmin Koffi dit Concepteur, Enseignant de Philosophie, promoteur culturel.
La réussite du modèle Jeonju repose sur une forte participation des habitants et le respect des traditions. En Côte d’Ivoire, il est nécessaire que les acteurs culturels locaux, les chefs traditionnels et les jeunes soient parties prenantes des projets.
« Il est essentiel que les chefs traditionnels, les jeunes et les femmes soient au cœur de ces projets. Sans leur implication réelle, la revitalisation culturelle risque de devenir une simple vitrine sans impact durable », avertit Tuo Tchangadjouoman, journaliste culturel, promoteur de spectacle.
Cela évitera la folklorisation ou la marchandisation excessive des cultures.
Mettre en place des politiques publiques intégrées. Les autorités ivoiriennes doivent intégrer la culture dans les plans de développement urbain et rural, en mobilisant des financements publics et privés. La formation professionnelle dans les métiers culturels et touristiques doit être renforcée.
La diversité culturelle ivoirienne doit être perçue comme un levier d’unité nationale. La promotion d’un dialogue interculturel à travers la culture contribuera à apaiser les tensions et à construire une société plus inclusive et harmonieuse.
Le projet de Jeonju en Corée du Sud démontre que la revitalisation des pratiques culturelles traditionnelles est un levier efficace pour stimuler l’économie locale, créer des emplois et renforcer la cohésion sociale. Adapter cette expérience aux spécificités culturelles et sociales de la Côte d’Ivoire, peut permettre au pays d’impulser un développement local durable, fondé sur la richesse de son patrimoine et la participation active de ses citoyens. La culture ne doit plus être un simple héritage, mais un moteur d’avenir.
François M'BRA II, correspondant Région de Gbêkê