À titre d'illustration
Lenteur, opacité, impunité : la justice ivoirienne semble fonctionner à deux vitesses. Pendant que les plus fortunés naviguent à travers un système complaisant, les citoyens modestes sombrent dans l’oubli judiciaire, victimes d’un implacable labyrinthe bureaucratique.
-Le cri d’alarme d’un peuple désabusé
Abidjan, Côte d’Ivoire, 26 mars 2025 (crocinfos.net)---La justice ivoirienne souffre d’un mal profond : une lenteur criante dès lors qu’il s’agit d’un justiciable modeste, sans réseau et sans fortune. Un constat accablant, récurrent, qui alimente la défiance populaire envers l’institution judiciaire. Les exemples foisonnent, illustrant les dysfonctionnements d’un appareil judiciaire qui semble réservé aux puissants. Ce n’est pas Antoine Assalé, député de la Nation, qui dira le contraire. Au nom du peuple, il vient d’interpeller par lettre ouverte le Garde des Sceaux, Jean Sansan Kambilé, sur un litige foncier opposant des victimes à Komé Bakary, ce jour.
Combien sont-ils à être morts sans voir l’ouverture de leur procès ? Combien de citoyens défavorisés ont-ils dû abandonner leur quête de justice, épuisés financièrement et psychologiquement ?
Un mal dénoncé de longue date, y compris par des figures politiques aussi antagonistes qu’Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, lors de la présidentielle de 2010. Pourtant, quinze ans plus tard, la situation n’a guère évolué. Lenteurs procédurales, dossiers enlisés, jugements retardés : ce fléau gangrène la société et dissuade même les investisseurs étrangers. Le peuple, lui, a cessé de croire en la justice de son pays.
À lire l'enquête👉: https://crocinfos.net/detail-article/2512-scandale-foncier-une-notaire-son-client-et-une-banque-impliques-dans-une-hypotheque-de-plus-dun-milliard-fcfa
Combien sont-ils à être morts sans voir l’ouverture de leur procès ? Combien de citoyens défavorisés ont-ils dû abandonner leur quête de justice, épuisés financièrement et psychologiquement ? La justice ivoirienne, en différant les procédures, brise des vies et prive les plus vulnérables de leur droit fondamental à un jugement équitable.
L’affaire opposant Mamadou Sanogo, gérant d’entreprise, à Dramera Ousmane, chef d’entreprise, et Maître Adeline Kassi-N’Goroma, notaire, en est une illustration frappante. Ce litige, portant sur la vente d’un terrain à Cocody II-Plateaux, 7e tranche, d’une valeur de 320 000 000 FCFA, a révélé des manœuvres troublantes. Notre enquête a mis en lumière des faits accablants à l’encontre de Dramera Ousmane et de la notaire en charge du dossier. Pourtant, malgré un dossier solidement documenté, la procédure piétine.
Un scénario ubuesque qui soulève une question dérangeante : un magistrat infligerait-il pareille injustice à un membre de sa propre famille s’il était dans le besoin ?
Après des mois d’attente, le dossier a finalement été transmis au procureur adjoint, Angan Simplice, mais y demeure figé. Mamadou Sanogo, déjà bouleversé par cette interminable attente, a vu son angoisse redoublée en septembre 2024, lorsque Dramera Ousmane a réussi à contracter une seconde hypothèque sur ce même bien, portant la dette totale à 1 130 000 000 FCFA. Une manœuvre qui, au lieu d’être immédiatement freinée par une mesure conservatoire, n’a suscité aucune réaction judiciaire. Pire encore, le conseil de M. Sanogo n’a pu accéder au procès-verbal d’enquête, pourtant transmis depuis septembre 2024 sous les références n°528/DPEF/SDEF et n°127/MIS/DGPN/DGACPJ/DPEF.
En attendant, les victimes démunies n’ont d’autre choix que d’endurer, de s’endetter, voire d’hypothéquer leurs maigres biens pour espérer voir leur dossier progresser dans les méandres d’un tribunal en Côte d’Ivoire.
Un scénario ubuesque qui soulève une question dérangeante : un magistrat infligerait-il pareille injustice à un membre de sa propre famille s’il était dans le besoin ? Comment expliquer que le nouveau « milliardaire » comme Dramera Ousmane puisse se jouer du système, défier les enquêteurs et narguer sa victime en toute impunité ?
Sur le même sujet👉: https://crocinfos.net/detail-article/1838-justice-et-impunite-en-cote-divoire-une-realite-choquante-mon-point-de-vue
Le Garde des Sceaux, Jean Sansan Kambilé, est attendu au tournant. La Côte d’Ivoire, sous pression internationale, doit sortir de la zone grise du Groupe d’action financière (GAFI). Or, tant que de tels dysfonctionnements subsisteront, la confiance populaire continuera de s’éroder. En attendant, les victimes démunies n’ont d’autre choix que d’endurer, de s’endetter, voire d’hypothéquer leurs maigres biens pour espérer voir leur dossier progresser dans les méandres d’un tribunal en Côte d’Ivoire.
Sériba Koné