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C R O C I N F O S

[Relation Sonko-Diomaye] Analyse lucide de Vincent Toh Bi Irié d’un pacte politique fragile au Sénégal

[Relation Sonko-Diomaye] Analyse lucide de Vincent Toh Bi Irié d’un pacte politique fragile au Sénégal

Diomaye mooye Sonko

Dans cette ré-publication du 27 mars 2024, Vincent Toh Bi Irié analyse sans passion partisane la victoire Sonko-Diomaye, évoquant leur rêve accompli, les défis imminents, leurs risques de division et la nécessité d’une gouvernance sobre et humaine. Il avait vu juste

-Relation Sonko-Diomaye: Voici ce que nous écrivions

Je re-publie ici, pour témoignage de l’Histoire, ce que j’ai écrit il y a un an et demi, au lendemain de l’élection, le 27 Mars 2024, du Président du Sénégal. La finalité de cette re-publication est de rappeler la nécessité de la sobriété d’une analyse politique dénuée de passion partisane, qui permet d’anticiper sur les problèmes à venir et sur les perspectives bonnes ou difficiles. C’est cette même sobriété dans l’analyse qui nous amène à dire encore aujourd’hui : Côte d’Ivoire, attention!!

« Ils l’ont fait

Ils l’ont fait. Contre le cours d’évènements imprévisibles, ils y sont arrivés. Cela s’appelle «la puissance du rêve».

Ils ont sorti de leurs têtes et formaté en réalité ce qu’ils pensaient qu’ils pouvaient être pour leur pays. Ils n’ont pas attendu les milliards qu’il fallait. Ils n’ont pas attendu d’être de chevronnés politiciens aux résultats communautaires inexistants. Ils ont compris qu’un peuple qui ne parle pas n’est pas forcément un peuple qui ne pense pas. Ils n’ont pas été complexés par le fait qu’ils ne sont pas un Parti centenaire ou expérimenté. Ils n’ont pas écouté les grands politiciens de salons qui, cigares en mains, assis dans leurs douillets salons, critiquent tout et rien. Ils ont dédaigné tous ces brillantissimes experts géo-stratèges qui savent qui la France et les États-Unis installeront à la tête de quel pays Africain, quand et pour combien de temps.

Ils l’ont juste fait parce qu’ils ont semé en leur peuple les graines de l’espoir, anabolisants ferments qui les ont portés au sommet. Ils l’ont fait.

Nos héros affronteront les résistances au changement de leur propre administration, quand ils proposeront des réformes.

Mais l’euphorie va vite passer et les semaines qui viennent, le mois prochain, le peuple qui croit l’État toujours très riche et qui méconnaît les mécanismes et les contraintes de la gestion publique, exigera que le prix du carburant soit réduit, que le riz, l’huile, le sucre, la viande soient beaucoup moins chers, que les jeunes dont certains ont perdu la vie pour rendre réel ce rêve aient tous du travail, que les soins de santé et l’école, tous cycles confondus, soient gratuits.

Le nouvel Exécutif découvrira les mécanismes handicapants de la dette. Il sera confronté à la complexité des investissements étrangers et à la tyrannie des financements et subventions. Nos héros affronteront les résistances au changement de leur propre administration, quand ils proposeront des réformes. Ils seront confrontés à la lenteur atavique des fonctionnaires et des administrations, à l’inexpérience ou à l’inefficacité de certains ministères commandés par leurs propres hommes. Ils mèneront un difficile combat contre la corruption génétique dans laquelle seront emballés leurs propres compagnons de lutte, qui pourraient devenir en un court temps les nouveaux riches fanfarons, la nouvelle bourgeoisie politique. Ils découvriront les réalités impitoyables des relations internationales, de la diplomatie des grands, de l’enchevêtrement inextricable des intérêts des pays.

Et ils devront pourtant faire face et donner au peuple ce qu’ils lui ont promis, sans trop savoir le difficile exercice auquel ils s’exposeraient en faisant ces promesses.

Ils peuvent réussir. Ils devront réussir à rendre beaucoup de gens heureux. D’autres l’ont réussi avant eux ailleurs, pourquoi pas eux ?

Ils mèneront un difficile combat contre la corruption génétique dans laquelle seront emballés leurs propres compagnons de lutte, qui pourraient devenir en un court temps les nouveaux riches fanfarons, la nouvelle bourgeoisie politique.

Puis, ils devront se mettre au-dessus du combat entre eux, quand dans le bicéphalisme d’État de fait, certains opposeront l’un à l’autre, quand les arguments de la légalité s’opposeront à ceux de la légitimité, quand la popularité de l’un sera opposé au pouvoir d’État de l’autre , quand les cours de laudateurs et de zélateurs opposeront les épousailles entre elles, quand les idéologies, les approches et les stratégies divergeront au pied de la réalité de terrain, quand les supporters obscurs appelleront à la vendetta, à l’Inquisition et à l’embastillement des Opposants ou des militants des droits de l’homme. Une ribambelle de Conseillers doctes et une myriade de collaborateurs avides de plus de pouvoir pourraient les pousser sur le ring pour un inutile pugilat. Ils devront se rappeler le pacte de sang, de fraternité et de loyauté tissé dans les abysses de la répression et de l’austérité. Entre eux, ils devront aussi tenir quand les éternels savants de la gestion publique aux costumes splendides et de marque leur indiqueront des voies suspectes à prendre, les mêmes voies qu’ils ont indiquées à d’autres désormais perdus dans ces chemins sinueux.

Puis, ils devront se mettre au-dessus du combat entre eux, quand dans le bicéphalisme d’État de fait, certains opposeront l’un à l’autre…

Enfin, nos jeunes devront lutter contre eux-mêmes, contre le risque de se sentir Dieu au-dessus du peuple, contre la tentation d’écraser les autres et les opinions différentes, contre le rêve d’hégémonie du Parti plutôt que la force de la cohésion de l’État, contre les chansons endormantes des valets vampires, contre l’argent et son empire sur l’esprit, contre la mégalomanie du narcissisme politique, contre la chimère de l’éternité charnelle et du pouvoir.

Ils l’ont fait. Il leur faut donc une bonne dose de spiritualité et d’humanité pour se défaire de ces tares en passe de devenir incurables dans la vie politique africaine, afin de satisfaire ce peuple qui s’est exprimé de façon si cinglante et si péremptoire et qui s’est choisi les dirigeants atypiques qu’il veut. Le peuple est souverain. On ne questionne ni ne s’étonne de son choix.

Ils l’ont fait dans des conditions extrêmes. Il n’y a pas de raison que nous ne leur fassions pas confiance dans la gestion de la vie publique et politique de leur pays, afin d’ouvrir les voies de l’espoir aux peuples de chez eux et d’ailleurs…. »


Vincent Tohbi Irié,

27 Mars 2024