Les résultats provisoires prononcée par la CEI
En Côte d’Ivoire, la victoire écrasante d’Alassane Ouattara révèle l’échec d’un front commun sans stratégie, qui a misé sur la rue plutôt que sur les urnes. Le pays choisit la stabilité.
Abidjan, 28 octobre 2025 (crocinfos.net) – L’histoire politique récente de la Côte d’Ivoire vient de se rejouer, presque à l’identique, mais avec un goût amer pour une opposition désorientée. En s’imaginant capable de renverser par la rue ce qu’elle n’a pas su construire dans les urnes, le Front commun formé par le PPA-CI de Laurent Gbagbo et le PDCI-RDA de Tidjane Thiam s’est présenté comme un attelage sans conducteur, un front sans stratégie, un cri sans écho. Face à lui, le président sortant Alassane Ouattara a remporté, sans véritable surprise, un quatrième mandat avec un score provisoire de 89,77 % des voix, selon la Commission électorale indépendante (CEI).
Le verdict des urnes est tombé, implacable : Alassane Ouattara, 83 ans, a été proclamé grand vainqueur dès le premier tour. La CEI a livré ses chiffres le 27 octobre 2025, confirmant une victoire écrasante sur ses quatre adversaires : Jean-Louis Billon (3,09 %), Simone Ehivet Gbagbo (2,42 %), Ahoua Don Mello (1,97 %) et Henriette Lagou (1,15 %).
Malgré la contestation prévisible, le score massif du président sortant témoigne d’une réalité politique : l’opposition n’a ni union, ni stratégie. Le PPA-CI et le PDCI-RDA, incapables de présenter un candidat unique après l’invalidation de leurs leaders, ont préféré dénoncer le processus plutôt que d’y participer pleinement. Résultat : une élection pliée d’avance, un boulevard ouvert au président sortant, et une population qui, lassée des querelles de chefs, a choisi la stabilité.
Le contraste est saisissant entre un camp présidentiel organisé, discipliné et ancré sur le terrain, et un front commun réduit à la rhétorique de la rue. Là où le RHDP a mobilisé ses structures jusqu’au dernier hameau, l’opposition a parié sur les réseaux sociaux et les appels à l’insurrection. Le résultat est sans appel : la politique du « tout sauf Ouattara » s’est fracassée contre la réalité du vote.
Des félicitations et des constats d’impuissance
Avant même la proclamation officielle, Jean-Louis Billon, candidat du Congrès démocratique, a reconnu sa défaite et adressé ses félicitations à Alassane Ouattara, tout en regrettant quelques « irrégularités » et un « faible taux de participation ». Ce geste, imité le lendemain par Simone Gbagbo, sonne comme un aveu : l’élection s’est jouée bien avant le scrutin, dans la désunion et l’improvisation de l’opposition.
Par rapport à 2020 (95,31 %) et 2015 (83,66 %), le président sortant réalise un score légèrement inférieur mais politiquement plus solide. Ses bastions du Nord, comme Kani ou Korhogo, affichent des taux proches de la perfection – 99,68 % des voix à Kani, avec 99,08 % de participation.
Dans l’ensemble, la participation nationale s’élève à 50,10 %, un chiffre en recul, mais interprété par la CEI comme un signe de « maturité démocratique », traduisant une élection apaisée, sans effervescence inutile.
Un front commun sans boussole politique
Le « Front commun » PPA-CI/PDCI-RDA s’est constitué après le rejet des candidatures de leurs présidents respectifs par le Conseil constitutionnel. Mais au lieu de désigner un porte-étendard consensuel, les deux anciens partis dominants se sont enlisés dans des calculs personnels. Le slogan implicite, relevé par de nombreux observateurs – « avant moi, c’est moi ; après moi, c’est encore moi » – illustre cette crispation d’un leadership vieilli, incapable de se renouveler.
En l’absence d’alternative crédible, le camp présidentiel n’avait qu’à dérouler. Le RHDP a mené une campagne méthodique, s’appuyant sur des structures locales solidement implantées, tandis que le front commun s’est limité à des déclarations incendiaires. L’opposition a cru pouvoir compenser son vide programmatique par la mobilisation de la rue. Mais la culture politique ivoirienne, profondément marquée par le traumatisme de 2010-2011, reste attachée à la paix civile et au respect du processus électoral.
Les Ivoiriens ont choisi la continuité plutôt que la casse. Le message des urnes est limpide : la violence ne constitue pas un programme politique.
Les dés pipés ?
Certains ténors du front commun parlent de « mascarade électorale », d’« élections verrouillées ». Pourtant, les observateurs internationaux et nationaux dressent un constat inverse. Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), fort de 2350 observateurs, affirme que le scrutin s’est « globalement déroulé dans un climat serein et respectueux des droits de l’homme ».
Le Consortium des organisations de la société civile pour les élections en Côte d’Ivoire (Coscel-CI), de son côté, souligne l’impact des fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux, souvent orchestrées pour manipuler l’opinion. Ces messages alarmistes, appelant à la « désobéissance civile », ont trouvé peu d’écho sur le terrain. Le peuple ivoirien, visiblement, a tourné la page des affrontements.
La Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) a salué « les efforts des autorités ivoiriennes pour le renforcement de la démocratie et de l’État de droit », invitant la communauté internationale à poursuivre son soutien. Autrement dit, pendant que les chancelleries étrangères félicitent le processus, le front commun s’enferme dans la dénonciation post-électorale – un rôle de médecin après la mort.
Si quelques incidents ont été signalés dans 2 % des lieux de vote, soit environ 200 localités, selon les forces de l’ordre, aucune perturbation majeure n’a compromis le scrutin. Dix décès ont été enregistrés depuis le début du processus électoral, dont six avant le jour du vote. À Nahio, dans le Haut-Sassandra, deux personnes ont malheureusement perdu la vie, déplorées par le candidat Ahoua Don Mello.
Mais, loin des prédictions alarmistes, la Côte d’Ivoire a voté dans le calme. Aucune flambée de violence généralisée, aucun affrontement majeur : la peur de revivre le cauchemar de 2010-2011 a visiblement dissuadé les extrémistes des deux camps. Le message du président de la CEI, Coulibaly-Kuibiert Ibrahime, appelant à la responsabilité citoyenne, a été entendu.
La balle est désormais dans le camp du Conseil constitutionnel, seul habilité à proclamer les résultats définitifs et à trancher les éventuels recours. Mais, au regard des écarts abyssaux entre les candidats, nul ne doute de l’issue finale : Alassane Ouattara restera président de la République pour les cinq prochaines années.
Dans les quartiers populaires comme dans les capitales régionales, les discussions portent moins sur les résultats que sur les perspectives économiques et sociales. L’électorat jeune, moteur de la victoire du RHDP, voit en Ouattara un garant de stabilité et d’opportunités, notamment à travers les politiques d’infrastructures, d’éducation et d’emploi.
Une opposition à repenser
Le Front commun sort exsangue de cette élection. En prônant la rue plutôt que le débat, en refusant l’unité autour d’un projet clair, il a offert la victoire à son adversaire. Les appels à la « mobilisation populaire » ont tourné court, faute de relais et de conviction.
La Côte d’Ivoire a montré qu’elle veut avancer, non s’enfermer dans la spirale de la confrontation. Les élections se gagnent par le travail, la cohérence et la proximité avec les citoyens, non par les slogans ni les calculs d’appareils.
Au fond, cette présidentielle 2025 marque peut-être la fin d’un cycle : celui des anciens réflexes politiques où la contestation tenait lieu de projet. L’opposition ivoirienne devra apprendre à se reconstruire, à préparer l’avenir autrement que dans la réaction.
En attendant, le président Alassane Ouattara, fort de son assise nationale et de la reconnaissance des observateurs internationaux, prépare sereinement la transition vers un nouveau mandat. Le pays, lui, aspire à une paix durable, loin des invectives et des appels à l’insurrection.
La Côte d’Ivoire a choisi la stabilité contre le tumulte. Le front commun, lui, a choisi l’impasse.
Sériba Koné
[Qui enterrera les morts et soutiendra les blessés ?]
Sauf erreur de ma part sur la lecture de la scène politique ivoirienne, les manifestants tombés « au front », les blessés et les mutilés n’ont guère bénéficié de la compassion concrète des responsables de l’opposition. Aucun dirigeant n’a, à ma connaissance, dépêché un représentant du bureau national ou régional pour accompagner les familles touchées ; on a plutôt observé quelques sorties médiatiques et déclarations publiques, sans geste concret sur le terrain. Or, il suffisait d’un acte fort — la visite d’un responsable, l’organisation d’un soutien matériel et juridique, la mise en place d’un fonds d’aide — pour transformer la protestation en mouvement politique structuré.
Si l’opposition qualifie l’exercice du pouvoir de « dictature », elle gagnerait à baisser le ton des invectives stériles et à privilégier une stratégie réfléchie et efficace : rassembler, structurer un programme crédible et conquérir les suffrages dans les urnes. Compter sur la souffrance des citoyens, alimenter la violence ou parier sur des mobilisations qui coûtent des vies est non seulement inhumain, mais aussi politiquement suicidaire. La dignité des victimes commande une responsabilité politique et une stratégie démocratique responsable.
Sériba K .