Abidjan, Côte d’Ivoire, le 22 juin 2025 (crocinfos.net)--- Le 22 juin 2025, le stade d’Ébimpé, baptisé du nom du président Alassane Ouattara, a été le théâtre d’un moment politique aussi solennel que stratégique. Devant plus de 7 000 congressistes venus de toutes les régions du pays, le chef de l’État a réaffirmé sa position de leader du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), tout en reportant sa décision sur une éventuelle candidature à la présidentielle d’octobre. Un choix calculé qui maintient en haleine l’ensemble du paysage politique.

La grand-messe du RHDP n’était pas seulement un congrès : c’était une démonstration de force. Dans une ambiance survoltée, les militants ont répondu à l’appel du parti, dont les statuts renforcent le rôle du Congrès dans la désignation du candidat à la présidentielle. À travers la révision des articles 18 et 19, le parti inscrit désormais explicitement cette fonction dans l’agenda de ses instances. L’opération vise à légitimer davantage le choix du candidat au sommet du parti.

Article 18 et 19 : Congrès / Convention Nationale

La volonté des Militants de désigner, lors du Congrès, le candidat du RHDP à l'élection présidentielle commande une modification des Articles 18 et 19.

Ainsi les nouvelles propositions sont :

18.2. Attributions

Le Congrès entend le rapport moral et politique du

Président du Parti.

Plus généralement, le Congrès :

Adopte les Statuts ;

Définit la Politique Générale du Parti ;

Vérifie les comptes du Parti ;

Élit le Président du Parti ;

Élit les Commissaires aux comptes;

Désigne et investit le Candidat du Parti à l'élection présidentielle ;

19.1. La Convention Nationale est l'Organe de discussion et d'appréciation des activités du Parti dans l'intervalle des Congrès.

La Convention Nationale, à défaut d'un Congrès, peut désigner et investir le candidat du Parti à l'élection présidentielle.

Patrick Achi : le RHDP se veut “solide” et “ouvert”

Le président du Congrès, Patrick Achi, a livré une lecture synthétique mais révélatrice des travaux. Il a salué le caractère structuré des débats, insisté sur la légitimité des structures de base dans le processus de désignation du candidat, et vanté l’ambition d’un RHDP “parti d’avenir” et “non figé”. À travers cette déclaration, l’ancien Premier ministre s’est inscrit dans une logique d’unité, tout en consolidant le leadership présidentiel. Il n’a cependant soufflé aucun nom alternatif, preuve que le centre de gravité du parti reste, pour l’heure, Alassane Ouattara.

Entre émotion, bilan et mystère

La prise de parole d’Alassane Ouattara a été marquée par un mélange d’émotion, de mémoire et de détermination. Rendant hommage aux figures disparues du RHDP, il a évoqué le long chemin parcouru, la reconstruction du pays, la stabilité retrouvée et l’émergence économique en cours. Dans une analogie évocatrice, il a comparé le parcours du RHDP à celui des Éléphants de Côte d’Ivoire à la CAN 2023 : une trajectoire chaotique mais triomphante.

Le président a reçu, avec émotion, l’appel des militants à se présenter de nouveau. “Je vous ai entendus”, a-t-il dit. Mais sans aller plus loin : s’il accepte de rester président du RHDP, il s’est contenté de promettre une adresse officielle à la nation “dans les jours à venir” pour annoncer sa décision finale.

Une stratégie du “ni oui, ni non”

Ce refus d’acter sa candidature, malgré une ovation unanime, n’est pas un hasard. Il permet à Ouattara de garder la main sur le tempo politique, d’éviter un positionnement prématuré et d’observer les dynamiques internes et les mouvements dans l’opposition. En se maintenant à la tête du RHDP, il consolide son autorité, tout en laissant planer un doute savamment entretenu. Cette posture offre au président sortant une flexibilité tactique maximale dans un contexte où les questions sur la succession, la légitimité et le respect des engagements passés sur la limitation des mandats restent sensibles.

Vers une candidature quasi certaine ?

Même si Ouattara n’a pas officiellement dit “oui”, l’ensemble du dispositif mis en place au congrès — la révision des statuts, la mise en scène du plébiscite, le discours centrée sur la continuité — laisse entrevoir une intention claire : celle de briguer un nouveau mandat. Son silence sur ce point s’apparente à un ultime acte de mise en scène politique. L’annonce officielle à la nation, promise pour bientôt —sûrement en août —, pourrait ne faire que confirmer une orientation déjà décidée en coulisses.

Le congrès d’Ébimpé a montré un RHDP rassemblé, organisé et résolument tourné vers l’échéance d’octobre 2025. En acceptant de rester président du parti, Alassane Ouattara réaffirme son rôle de pivot du système. Son éventuelle candidature ne semble plus être qu’une question de calendrier. En attendant, la scène politique ivoirienne reste suspendue à une promesse : celle d’un discours à la nation dont les mots pèseront lourd.

Charles Kpan