favicon
C R O C I N F O S

Inquiétudes sur les Éléphants, une lettre ouverte dénonce le manque de style de jeu

Inquiétudes sur les Éléphants, une lettre ouverte dénonce le manque de style de jeu

L'équipe des Eléphants face au Burundi

Dans une lettre ouverte au ministre des Sports, au président de la FIF et à l’entraîneur Faé Émerse, Dr Issa Sangaré Yeresso alerte sur les dérives inquiétantes et le manque d’identité des Éléphants.

Football – équipe nationale de côte d’ivoire : lettre ouverte

À :

  1. Monsieur le Ministre des Sports
  2. Mon frère, Monsieur Idriss Diallo, Président de la FIF
  3. Monsieur Faé Émerse, sélectionneur de l’équipe nationale de football de Côte d’Ivoire

Messieurs,

Pour se consoler après une contre-performance, on répète souvent : « L’important, c’est de gagner ; l’important, ce sont les trois points.» Une fois, cela passe ; deux fois, c’est encore tolérable. Mais en faire un principe de raisonnement, un refuge, c’est sombrer dans le fatalisme et l’impuissance.

Qu’on soit clair : je ne possède aucun diplôme d’entraîneur. Mais j’ai été ramasseur de ballons lors des grandes rencontres, et cela fait plus d’un demi-siècle que je suis le football ivoirien avec passion. J’ai vu, de près, des joueurs et des entraîneurs talentueux prendre leurs responsabilités, déployer des stratégies et renverser des matchs pourtant perdus d’avance. Je pense, par exemple, à feu Laurent N’Dri Pokou, l’homme d’Asmara, le Duc de Bretagne. Battu à Conakry, il avait juré, en écrivant sur un mur du stade, qu’au retour à Abidjan il inverserait la situation. Il l’a fait, en quinze minutes, au stade Félix Houphouët-Boigny.

Je pense aussi à Abdoulaye Traoré dit Ben Badi, le « Mouton d’or », qui renversa une situation désespérée avec l’Asec Mimosas face à l’Ashanti Kotoko au Ghana.

Messieurs le Ministre, Monsieur le Président de la FIF, il est temps d’avoir avec lui une conversation franche. Car, nous, Ivoiriens, n’acceptons pas cette dérive.

Je fais partie des indécrottables qui, depuis longtemps, plaident pour la préférence nationale dans le choix des sélectionneurs. J’y crois encore. Je suis également de ceux qui estiment qu’il faut donner du temps aux entraîneurs pour travailler librement. Mais cela ne doit pas signifier se taire lorsque le rendement de l’équipe nationale inquiète. Car, il faut l’avouer, notre progression est poussive, souvent laissée au hasard.

Notre équipe, championne d’Afrique en titre, n’effraie plus ses adversaires. Or, un « ressuscité » qui n’effraie pas, c’est un corps sans âme. Les Éléphants ne barrissent plus ; ils jouent avec leur trompe. Ils ne rassurent que par des éclairs isolés, souvent miraculeux. En vérité, ils nous inquiètent.

Les Ivoiriens, sans diplômes d’entraîneurs, connaissent les qualités et les faiblesses de leurs joueurs. Ils savent, selon les matchs, qui peut renverser une situation. Voilà pourquoi il y a matière à s’alarmer : après près de deux ans, Faé Émerse n’a toujours pas imprimé de style de jeu propre aux Éléphants. Pas d’identité, pas de solidarité farouche, pas de combativité redoutée des adversaires. Pire, à l’usure, il apparaît incapable de déjouer les plans des entraîneurs adverses.

Messieurs le Ministre, Monsieur le Président de la FIF, il est temps d’avoir avec lui une conversation franche. Car, nous, Ivoiriens, n’acceptons pas cette dérive.

Moi, Docteur Issa Sangaré Yeresso, ancien ramasseur de balles, je n’aurais pas, face au Burundi, sorti mes deux meilleurs ailiers, fournisseurs de ballons à Sébastien Haller, attaquant opportuniste et danger permanent. Entré en cours de jeu, Haller n’a pas reçu un seul centre lui permettant d’inquiéter la défense adverse.

Car, en Coupe du monde, les matchs s’enchaînent à un rythme effréné. Seules les équipes solides, endurantes et inventives franchissent les phases fatidiques. Voilà pourquoi les sélections africaines échouent si souvent au premier tour.

Moi, Docteur Issa Sangaré Yeresso, je n’aurais pas si mal utilisé Nicolas Pépé. Je ne me serais pas obstiné à maintenir un milieu Sangaré–Kessié–Fofana sans y injecter du sang neuf. De jeunes talents ne demandent qu’une chose : qu’on leur fasse confiance.

Or, au Mondial, le miracle n’existe pas. La chance, peut-être, mais elle ne vient qu’après une préparation rigoureuse et un brin de génie. J’ai peur, Messieurs, que la prochaine CAN au Maroc ne nous échappe. Car, en Coupe du monde, les matchs s’enchaînent à un rythme effréné. Seules les équipes solides, endurantes et inventives franchissent les phases fatidiques. Voilà pourquoi les sélections africaines échouent si souvent au premier tour.

En l’état actuel, les Éléphants n’auraient aucune chance d’exister sur la scène mondiale, même par miracle. Pour éviter l’humiliation, il faut opérer des choix courageux, bannir la complaisance et le favoritisme, et exiger de Faé Émerse un coaching de qualité. Les tâtonnements incessants doivent cesser. Il nous faut un véritable style de jeu, une identité claire, une arme qui impose le respect et la crainte.

Les faits sont sacrés ; les commentaires sont libres.


Dr Issa Sangaré Yeresso

Prix international de journalisme – Université Aix-Marseille II

Chevalier de l’Ordre du Mérite de la Culture.