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C R O C I N F O S

[ÉDITORIAL] La Côte d’Ivoire face au miroir de la corruption

[ÉDITORIAL] La Côte d’Ivoire face au miroir de la corruption

La Journée africaine de lutte contre la corruption se veut un moment de sensibilisation, de plaidoyer et d’action collective

La Côte d’Ivoire perd 1 400 milliards FCFA par an à cause de la corruption. La HABG veut agir, mais sans sanctions exemplaires, la lutte restera un slogan politique sans impact réel sur le développement.

Abidjan, 11 juillet 2025 (crocinfos.net)---La corruption est un cancer. Un cancer qui ronge la dignité humaine, qui freine le développement économique et qui tue la confiance entre gouvernants et gouvernés. Pourtant, les textes existent et les institutions aussi. La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG), créée par l’ordonnance n°2013-660 du 20 septembre 2013 et ratifiée par la loi n°2013-875 du 23 décembre 2013, incarne cette volonté de l’État ivoirien de se doter d’une force de frappe contre la corruption et les infractions assimilées.

La Journée africaine de lutte contre la corruption (JALC), célébrée chaque 11 juillet sous l’égide de l’Union Africaine, la Côte d’Ivoire accueille, ce matin l’édition 2025. Le thème continental, « Promouvoir la dignité humaine dans la lutte contre la corruption », trouve un écho particulier dans un pays où, officiellement, la corruption fait perdre 1 400 milliards FCFA chaque année.

Comment un paysan ou un petit fonctionnaire pourrait-il détourner de telles sommes ? La réalité est que ces chiffres astronomiques révèlent l’ampleur des prébendes au sommet de l’État et dans les grandes directions publiques.

Le thème national, quant à lui, « Performances économiques et éthique d’entreprise : bâtir une compétitivité fondée sur les valeurs d’intégrité et de responsabilité », invite à une réflexion lucide sur la gouvernance. Dans un contexte où le Plan national de développement (PND 2021-2025) érige la bonne gouvernance en levier d’attractivité et de compétitivité, la corruption apparaît comme la contradiction majeure aux ambitions de transformation économique.

Le thème continental, « Promouvoir la dignité humaine dans la lutte contre la corruption », trouve un écho particulier dans un pays où, officiellement, la corruption fait perdre 1 400 milliards FCFA chaque année.

En 2024, la HABG a réceptionné 1 244 déclarations de patrimoine, portant à 9 457 le nombre de déclarations reçues depuis 2015 sur 10 393 attendues, soit un taux de 90,99% en 2024 contre 83,03% en 2023. Des avancées notables certes, mais qui cachent encore des réticences. Dago Djiriga Désiré, directeur du traitement des déclarations de patrimoine, a précisé que 237 mises en demeure ont été adressées aux retardataires, et 19 dossiers ont été transmis au Pôle pénal économique et financier (PPPEF) pour poursuites judiciaires, concernant notamment un directeur de cabinet ministériel, un directeur général de structure publique et des responsables financiers d’entreprises publiques.

Mais où sont les sanctions exemplaires ? Des pays africains ont arrêté et jugé des ministres, des directeurs généraux et de hauts cadres, pour démontrer que la lutte contre la corruption n’est pas un simple slogan politique. En Côte d’Ivoire, Épiphane Zoro Bi Ballo, le président de la HABG et ses collaborateurs n’ont pas encore la latitude légale de publier la liste des déclarations de patrimoine en toute transparence. Et pourtant, cette publicité renforcerait la redevabilité et la confiance des citoyens envers leurs dirigeants.

En Côte d’Ivoire, Épiphane Zoro Bi Ballo, le président de la HABG et ses collaborateurs n’ont pas encore la latitude légale de publier la liste des déclarations de patrimoine en toute transparence.

La Journée africaine de lutte contre la corruption se veut un moment de sensibilisation, de plaidoyer et d’action collective. Elle doit aussi être un moment de vérité. La HABG prévoit des panels, des sessions de sensibilisation grand public, ainsi qu’un dialogue public-privé sur la conformité et l’éthique des affaires. De belles initiatives qui, sans sanctions fortes et exemplaires, risquent de rester de simples rencontres académiques.

Il est temps de frapper là où les « intouchables » s’y attendent le moins. Lutter contre la corruption, c’est protéger la dignité humaine. C’est renforcer la solidarité nationale. C’est offrir aux générations futures un pays où la réussite n’est plus synonyme de détournement, mais de mérite et de travail.

L’État ivoirien sait ce qu’il reste à faire. La justice doit agir. Sans complaisance. Sans calcul. Et surtout, sans peur.


Sériba Koné