Bahidougou, l'enclavement d'une Côte d'Ivoire à deux vitesses
À 55 km de Dabakala, Bahidougou vit sans route, électricité ni réseau. Ce village symbolise l’injustice territoriale et appelle urgemment les autorités à réparer cet oubli qui freine tout développement humain et économique.
Dabakala, le 29 juin 2025 (crocinfos.net)---Nichée à 55 kilomètres de Dabakala, enrépublique de Côte d’Ivoire, la localité de Bahidougou est un exemple de l’oubli institutionnel qui frappe certaines zones rurales du pays. Ce village d’environ 530 habitants, bordé par le fleuve Comoé, vit dans une quasi invisibilité administrative, privée des infrastructures de base indispensables à toute communauté humaine. Enclavé, sans route praticable, sans électricité, sans réseau téléphonique et avec une école délabrée, Bahidougou lance un appel urgent à la solidarité nationale et aux autorités locales.
Un isolement géographique et social qui pèse lourd
Le village est accessible uniquement par un chemin de terre battue, difficilement praticable même en saison sèche. Cet isolement géographique est le premier facteur qui explique le retard de développement de Bahidougou. À l’entrée du village, ce chemin témoigne d’un abandon persistant : aucune route bitumée, aucun entretien régulier. Les déplacements sont compliqués pour les habitants, notamment pour accéder aux services de santé, aux marchés ou aux administrations.
Depuis l’installation de la seule pompe hydraulique en 1985, aucun projet de développement significatif n’a été lancé. Quarante ans de stagnation qui ont un impact direct sur la qualité de vie des habitants. Coulibaly Drissa, chef du village, exprime avec douleur ce sentiment d’abandon : « Nous sommes oubliés par les actions du développement. Nous avons besoin d’eau potable, d’électricité, d’une école, de routes, de réseau. Nos enfants souffrent, notre jeunesse est abandonnée » a t-il indiqué
L’absence d’électricité : un frein au développement
Parmi les besoins , l’électricité est sans doute la plus symbolique et la plus urgente. Bahidougou demeure dans le noir, alors qu’un village électrifié se trouve à seulement 10 kilomètres. Cette injustice territoriale est ressentie comme une profonde inégalité par les habitants.
L’absence d’électricité impacte directement plusieurs aspects de la vie quotidienne. En matière d’éducation, les enfants doivent étudier dans l’obscurité dès la tombée de la nuit, ce qui limite leur capacité à apprendre et à progresser. L’école, déjà dépourvue de bâtiments appropriés, souffre d’un manque cruel d’équipements adaptés. Sur le plan économique, la pêche, ressource essentielle grâce à la proximité du fleuve Comoé, est fortement pénalisée. Sans électricité, il est impossible de réfrigérer les produits de la pêche, ce qui limite leur conservation et donc les revenus des pêcheurs. « Il y'a du poisson ici, les activités de pêche devraient pouvoir nous aider à subvenir à nos besoins au quotidien. Mais il n'y a pas d'électricité ici, nous ne pouvons donc pas conserver les produits de pêche. Nous sommes une jeunesse abandonnée et laissée pour compte . Je vous demande pardon, faites quelque chose pour nous » a appelé, Coulibaly Karim , président des jeunes du village .
Enfin, dans la vie sociale et sanitaire, l’absence d’éclairage public et domestique complique la vie quotidienne, réduit la sécurité et freine l’accès aux soins, notamment en cas d’urgence nocturne.
Un appel solennel à la solidarité et à la justice
Le chef du village, Coulibaly Drissa, lance un vibrant appel au directeur général de Côte d’Ivoire Énergie et aux autorités locales : « On le dit souvent : la lumière précède le développement. Mais ici, nous vivons toujours dans le noir. Que faut-il de plus pour mériter un peu d’attention ? Nous demandons seulement à être considérés comme des citoyens à part entière. »
Ce cri ne se limite pas à la demande d’électricité. Il est l’expression d’un besoin fondamental d’exister dans la sphère publique, d’accéder aux droits essentiels que sont l’eau potable, l’éducation, la santé et les infrastructures de base. Bahidougou réclame une reconnaissance et une inclusion dans les programmes de développement nationaux.
Bahidougou, symbole d’une fracture territoriale
Le cas de Bahidougou illustre une fracture profonde dans la répartition des efforts de développement en Côte d’Ivoire. Alors que certaines localités du département bénéficient d’infrastructures modernes et d’un accès facilité aux services, ce village reste en marge, comme rayé des cartes de l’action publique.
Cette situation met en lumière un déséquilibre territorial qui alimente les inégalités sociales et économiques. Bahidougou devient le symbole d’une injustice territoriale qui nécessite une réponse urgente et concertée des pouvoirs publics.
Malgré les difficultés, les habitants de Bahidougou ne perdent pas espoir. Leur regard est tourné vers les décideurs, dans l’attente d’un geste concret qui pourrait changer leur quotidien. Ce village oublié aspire à sortir de l’ombre, à bénéficier des mêmes droits que les autres localités, et à voir ses enfants grandir dans des conditions dignes.
Le cri de détresse de Bahidougou est un appel à la solidarité nationale, à la responsabilité des autorités et à une politique de développement plus équitable, qui ne laisse personne sur le bord du chemin.
Bahidougou est bien plus qu’un simple village isolé : c’est un miroir des inégalités territoriales qui persistent en Côte d’Ivoire. Son combat pour l’accès à l’électricité, à l’eau potable, à l’éducation et aux infrastructures de base est un appel à la justice sociale et au respect des droits fondamentaux. Pour que Bahidougou ne soit plus un village oublié, il est urgent que les autorités prennent conscience de cette réalité et agissent avec détermination. Le développement ne peut être complet que s’il est inclusif et solidaire.
François M'BRA II, Correspondant Région de Gbêkê