Le Général DA Pierre Alphonse, DG des Douanes ivoiriennes. Ph. Archives.jpg
Malgré une demande légale et plusieurs relances, la Direction générale des Douanes a refusé de communiquer des documents d’intérêt public à notre rédaction. La CAIDP ordonne leur transmission pour la suite de notre investigation.
Abidjan, 27 juin 2025 (crocinfos.net) – Dans une décision rendue le 20 mars 2025, la Commission d’Accès à l’Information d’Intérêt Public et aux Documents Publics (CAIDP) a ordonné à la Direction générale des Douanes à me transmettre une série de documents administratifs relatifs à une opération douanière portant sur un montant de plus de 35 milliards de FCFA.
Ma requête visait à obtenir des informations sur une présumée exportation non déclarée en douane, dans le cadre d’une enquête journalistique. La CAIDP, après avoir constaté l'absence de réponse dans les délais impartis par la législation, a été saisie pour arbitrer ce différend.
Le 27 novembre 2024, j’adressais une demande écrite à la Direction générale des Douanes, sollicitant la communication de plusieurs documents officiels. Faute de réponse dans les délais légaux, j’ai saisi la CAIDP le 24 décembre 2024. Conformément à la loi n°2013-867 du 23 décembre 2013, la requête a été jugée recevable, notamment du fait de la qualité professionnelle, qui me confère un traitement prioritaire.
Malgré une relance officielle de la CAIDP en date du 12 mars 2025, l’administration douanière n’a fourni aucune réponse ni justification, contrevenant ainsi au principe du contradictoire, pilier fondamental de toute procédure équitable.
Des documents jugés d’intérêt public et communicables. Au fond, la Commission a établi sans ambiguïté que les documents demandés relevaient bien du champ de l’information publique. Sont notamment concernés :
Toute correspondance du Lieutenant-Colonel Gnako Marcellin, alors Receveur Principal des Douanes, relative à une demande de tirage de chèques au profit de SDV/SAGA-BOLLORE ;
Toute preuve de l’utilisation du Système de Dédouanement Automatisé des Marchandises (SYDAM) par ledit receveur ;
Des éléments attestant de son habilitation à émettre des quittances avant les formalités douanières ;
Une justification du paiement effectif de la somme colossale de 35 288 506 071 F CFA au Trésor public ivoirien.
L'analyse juridique de la CAIDP a conclu à l'absence de restriction légale à la communication de ces documents, aucune disposition des articles 8 et 9 de la loi de 2013 n'étant applicable en l’espèce.
Une décision ferme et inédite. Dans sa délibération, le Conseil de la CAIDP – présidé par Mme Anne-Marie KONAN PAYNE – a non seulement affirmé la recevabilité de ma demande, mais aussi la nature publique et communicable des documents sollicités. Il enjoint formellement à la Direction générale des Douanes de procéder à la transmission desdits documents.
Cette décision a été rendue en séance plénière, en présence de commissaires désignés par les plus hautes autorités de l’État : Présidence de la République, Premier ministère, Ministère de la Défense, Ministère des Finances, Barreau, Universités publiques, entre autres.
Le lien de l’enquête : https://www.crocinfos.net/article/5949-enquete-scandale-douanier-bollore-africa-face-a-35-milliards-fcfa-en-cote-divoire
Cette décision fait jurisprudence en matière d’accès à l’information en Côte d’Ivoire. Elle rappelle avec force aux administrations publiques leur obligation de rendre compte et de respecter le droit à l’information reconnu aux citoyens, aux chercheurs et aux journalistes.
Dans un contexte où la transparence est de plus en plus exigée par la société civile et les partenaires internationaux, la décision de la CAIDP vient affirmer l’indépendance de l’institution et sa volonté de faire respecter la loi.
Une avancée démocratique, saluée dans les milieux de la presse et des droits de l’homme, qui pourrait inciter d’autres professionnels à faire valoir leurs droits face aux silences de l’administration.
Sériba Koné
[Silence coupable ou complicité assumée ?]
Cette enquête, initialement publiée le 13 janvier 2025, porte sur une opération douanière d’un montant dépassant 35 milliards de FCFA, entachée de lourds soupçons visant notamment SDV/SAGA-BOLLORE, avec l’implication présumée d’enquêteurs relevant de l’administration publique.
Approché à ce sujet, le Trésor public m’a invité à me tourner vers la Direction générale des Douanes ivoiriennes. Or, celle-ci demeure obstinément silencieuse, jusqu’à ce qu’elle soit récemment épinglée par la CAIDP.
Faut-il y voir une simple inertie administrative ou la manifestation d’une complicité destinée à étouffer une affaire d’une telle gravité ? À ce jour, les documents sollicités restent toujours attendus.
S.K.